Projet E 55 et Evaluation d’activités : la problématique en résumé
Il convient de remplacer le projet E 55, qui vise en fait l’évaluation d’activités, laquelle doit, à notre avis, doit être confiée aux marchés financiers, par une amélioration des dispositions contenues dans le projet E 50 et IAS 22 relatives à la dépréciation des actifs incorporels, qui constitue le cœur du problème soulevé par le projet E 55- En outre, celui-ci contient sur le plan purement technique quelques dispositions qui, par leur cohérence économique insuffisante ou leur rigidité, sont susceptibles d’entraîner une application discutable de la norme.
Depuis un certain temps, les organismes de normalisation comptable ont publié des normes ou des projets de norme visant à réglementer la dépréciation des actifs. Cette floraison de textes fait suite à une pratique qui, faute de directives claires, a pris parfois des positions critiquables, notamment en ce qui concerne la dépréciation des écarts d’acquisition (goodwills).
Après l’entrée en vigueur de la FAS 121 américaine sur Ia dépréciation des actifs insuffisamment rentables. et I’ASB, l’organisme de normalisation britannique, qui a publié des documents de travail intitulés « Impairment of tangible assets » et Goodwill and intangible assets >, I’IASC dans son projet de norme E 55 « impairement of assets », souhaite à son tour encadrer la pratique de la dépréciation des actifs.
Nous profitons de l’avancement des travaux de I’IASC, pour formuler sur le projet E 55 non seulement un certain nombre d’observations, mais également de suggestions, dans l’espoir qu’elles seront entendues et étudiées, à moins que cela n’ait déjà été fait.
On précise que la présente étude s’appuie sur le projet de nornre publié mai 1997 par I’IASC. En conséquence, la présente étude ne prend pas en considération les amendements retenus par I’IASC et consécutifs aux commentaires et contre-propositions que les organismes nationaux de normalisation devaient formuler avant le | 5 août 1997. De même, la présente étude ne prend pas en considération, faute de les connaître, les motifs qui ont conduit 2 membres de I’IASC à se prononcer contre le projet E 55.
La première partie s’efforcera d’établir l’assimilation que le projet E 55 opère abusivement à notre avis entre d’une part activités ou branches d’activités et d’autre part actifs. Nous analyserons dans quelle mesure cette prise de position induit une méprise sur le rôle des états financiers et de leurs vérificateurs tout en négligeant un certain nombre de principes comptables.
La seconde parties est consacrée à certaines dispositions techniques, qui par leur cohérence économique insuffisante ou leur rigidité sont susceptibles d’entraîner une application discutable de la norme. Les observations que nous formulerons dans cette seconde partie visent seulement à projeter un éclairage critique dans le cas où les dispositions analysées en première partie de la présente étude, seraient néanmoins adoptées par I’IASC.
1- Confusion entre actifs et activités
Le projet E 55 assimile abusivement les activités ou entreprises à des actifs. Bien qu’il soit précisé en introduction son objectif, savoir l’évaluation des actifs, il dispose à l’alinéa 46 que pour des raisons pratiques, il convient de regrouper les actifs en unités génératrices de cash (UGC). Celle-ci est définie comme étant le plus bas niveau de regroupement des actifs dont les flux de trésorerie sont largement indépendants d’autres groupements d’actifs.
Concrètement, cette notion d’UGC ne peut être qu’une branche d’activités ou une entreprise. Notre analyse semble confirmée à deux niveaux. Tout d’abord, la norme prend le soin de donner un exemple en alinéa 48 de regroupement d’actifs qui n’est ni plus ni moins qu’une entreprise. Ensuite, la méthode d’évaluation des UGC préconisée par le projet est cohérente avec celle généralement retenue pour une entreprise, savoir la méthode des cash-flows actualisés.
Or un actif n’est pas une activité ou une entreprise. Le premier correspond aux biens matériels et immatériels détenus par une entreprise ou une activité. Celles-ci sont en revanche une unité économique créant de la richesse. En d’autres termes, le projet semble confondre moyen de production, matériel ou immatériel et capacité bénéficiaire future. Cette confusion entre actif et activité ou entreprise a deux conséquences importantes. D’une part, elle induit une méprise sur le rôle des états financiers et des auditeurs. D’autre part, elle néglige les principes comptables de la continuité de l’exploitation et du nominalisme.
1.1 Conséquences de cette confusion
1.1.1 Méprise sur le rôle des états financiers et des auditeurs
En introduisant l’obligation d’évaluer non pas des actifs mais des activités ou des branches d’activités, le projet E 55 revient à demander aux états financiers d’être les propres censeurs de leurs performances alors que celles-ci doivent être à notre avis appréciées seulement par les marchés financiers. N’est*ce pas plutôt le rôle de ces derniers que celui des états financiers de sanctionner par la baisse des cours les mauvaises performances de telle ou telle activité ? C’est d’ailleurs la position adoptée par les directeurs financiers de grandes entreprises britanniques dans leur document « financial reporting and share prices » (2) d’avril 1996 à propos d’un projet de norme émanant de I’ASB et comparable au projet E 55.
Ensuite, l’assimilation des activités ou des entreprises à des actifs entraîne une confusion importante entre évaluation et valeur de marché. Les spécialistes en finance d’entreprise ont l’habitude de dire que l’évaluation, accompagnée de la négociation, permet de déterminer une valeur de marché, ou un prix. En d’autres termes, l’évaluation est subjective puisqu’interviennent entre les notions de prix et d’évaluation, les rapports de force ainsi que la stratégie du cédant et du cessionnaire. C’est d’ailleurs ces deux derniers éléments qui expliquent que les primes d’acquisition, c’est-à-dire le différentiel entre le prix offert et cours de bourse, soient parfois très élevées notamment dans le cadre d’OPA.
Enfin, la norme transforme les commissaires aux comptes et autres censeurs des comptes, en spécialistes de l’évaluation d’entreprise ou en « Corporate Finance ». Il s doivent également se prononcer sur la stratégie de l’entreprise, tout en étant des spécialistes du marketing et de la finance puisqu’il leur faut apprécier le taux d’actualisation. Même si le rôle des auditeurs a tendance à être de plus en plus complexe, nécessitant des compétences accrues, n’est-ce pas trop leur demander ?
1.1.2 Non-respect de la continuité d’exploitation et du nominalisme
Le projet E 55 suscite une absence de cohérence dans les principes comptables puisqu’il ne respecte pas les principes comptables de continuité de l’exploitation et de nominalisme. En effet, il suffit que l’ensemble d’une activité, c’est-à-dire actifs corporels et incorporels, ne génère plus de cash pour être considérée comme ayant une valeur nulle. En d’autres termes, les actifs corporels n’ont plus qu’une valeur de casse alors même qu’ils font l’objet d’un amortissement régulier, déterminé dans le cadre de la continuité d’exploitation. On passe par…pertes et profits ce principe comptable fondamental !
En outre, procéder à l’évaluation de groupes d’actifs revient à conférer implicitement à ces derniers une valeur de remplacement. Si cette notion nous paraît acceptable pour des immobilisations incorporelles, dont la valeur peut fluctuer en fonction notamment de la rentabilité de l’activité auxquelles elles se rapportent, elle nous semble en revanche inappropriée s’agissant d’immobilisations corporelles dont la valeur décroît inexorablement en raison de leur utilisation et leur obsolescence. Bref, le projet E 55 prend des libertés certaines avec le principe de nominalisme.
1.2 Nos suggestions
Etant donné que le projet E 55 consiste à évaluer selon notre analyse à évaluer non pas des actifs mais des activités ou des entreprises, il perd de sa raison d’être et doit en conséquence être purement et simplement supprimé.
Cependant, afin de donner aux marchés financiers et aux investisseurs les moyens d’apprécier les performances des différentes activités des groupes, il conviendrait d’une part d’améliorer les dispositions mentionnées dans le projet E 50 et I’IAS 22, qui traitent notamment de la dépréciation des goodwills et des autres immobilisations incorporelles, car celle-ci constitue à notre avis le cœur du problème soulevé par le projet E 50 et d’autre part, d’enrichir l’information financière par segment prévue à I’IAS 14.
En outre, nos suggestions présenteraient l’avantage de conserver une certaine rigueur économique financière et comptable qui anime le projet E 55, tout en supprimant le manque de cohérence apparent entre d’une part le projet E 55 et d’autre part le projet E 50 et I’IAS 22. Par exemple, doit-on pour la dépréciation des goodwils, appliquer le projet E 55 ou l’IAS 22 ?
1.2.1 Dépréciation des actifs incorporels
Le véritable problème posé par la norme est en fait la dépréciation des actifs incorporels, notamment des écarts d’acquisition. Nous pensons que l’appréciation de ces actifs incorporels dans le temps ne pose pas de difficulté majeure dès lors que l’on connaît la justification économique et financière de leur prix de revient- Il convient de garder à l’esprit que les positions contestables prises en matière de dépréciation d’immobilisations incorporelles procèdent ou ont procédé surtout de la difficulté, voire de l’impossibilité justifier économiquement le prix de revient des immobilisations incorporelles.
Les immobilisations incorporelles représentent toujours l’actualisation de flux de trésorerie (cash-flow) sur une période donnée. Ainsi, les écarts d’acquisition (hors plus-values immobilières) ont toujours une justification économique puisqu’en principe ils représentent d’une part la somme actualisée des synergies et d’autre part de la « super rentabilité » dégagée par rapport aux capitaux engagés par la société acquise par tel ou tel groupe. En d’autres termes, le groupe peut confronter les prévisions de flux de trésorerie lors de l’acquisition avec les réalisations des années postérieures à l’acquisition de ces actifs. Si les prévisions ne se confirment pas, si le groupe vient à changer de stratégie, le groupe en doit tirer les conséquences qui s’imposent sur la valeur de ces actifs incorporels.
Dans ce contexte, le contrôle de la valeur de ces actifs à la fin de chaque année peut être réalisé sans grande difficulté. Tous les groupes ayant acquis de nouvelles immobilisations incorporelles devront remettre à leurs commissaires aux comptes et autres auditeurs la justification économique de prix de revient au bilan, telle que décrite ci-avant. La solution que nous préconisons suppose que les entreprises établissent à la fin de chaque exercice des prévisions de flux de trésorerie révisées justifiant ou non la dépréciation de leurs actifs incorporels.
Concrètement, notre suggestion implique l’assouplissement du projet E 50 et de I’IAS 22, et notamment des actifs incorporels en contrepartie de leur évaluation systématique à la fin de chaque exercice. Dans une telle analyse, il serait également nécessaire de supprimer au niveau du projet E 50 toute référence systématique à un marché secondaire pour l’évaluation des actifs incorporels.
1.2.2 Renforcement léger de I’ information financière par segment
Outre une information financière décrivant succinctement les raisons qui ont motivé la dépréciation des immobilisations incorporelles, il conviendrait de renforcer légèrement l’information sectorielle mise à la disposition des actionnaires et autres investisseurs, de façon à ce qu’ils puissent en tirer toutes les conséquences sur la valeur de l’action, sans que cela ne profite àla concurrence. L’on pourrait ainsi améliorer les dispositions de norme IASC 14 sur l’information financière sectorielle notamment avec les éléments suivants constitués par :
- les performances du secteur ou de l’activité au cours des 4 dernières années,
- le montant des capitaux engagés sur par activité ou branche d’activité, ou division,
- un commentaire motivé sur l’évolution probable de la branche à moyen terme.
A notre avis, il ne convient pas à ce stade de « bureaucratiser » la diffusion de l’information financière. Outre le risque de donner des informations financières utiles pour les concurrents, la diffusion de certaines informations financières enfermées dans un carcan normatif risque de ne pas répondre au souci des investisseurs qui est d’avoir les informations permettant d’apprécier la capacité de l’entreprise à générer du cash dans le futur. C’est cet élément fondamental que les directions de tout groupe coté et leurs commissaires aux comptes doivent garder à l’esprit lors de la diffusion et de la préparation des comptes.
2 – Observations particulières
Les observations dans la présente partie poursuivent un double but : d’une part, mettre en évidence les propositions jugées critiquables d’un point de vue économique et méthodologique : d’autre part, plaider pour un desserrement du carcan qui corsète la mise en application de la norme.
2.1 Dispositions critiquables sur le plan économique et méthodologique
2.1.1 Utilisations systématique de la méthode des cash-flows actualisés
Bien que cette méthode soit effectivement la plus pertinente pour évaluer des activités, elle peut apparaître inappropriée dans un certain nombre d’activités notamment pour les sociétés à prépondérance immobilière, les banques et les assurances. L évaluation des biens immobiliers repose généralement sur une moyenne entre valeur de rendement et valeur patrimoniale. En outre, la pondération entre les deux valeurs dépend souvent de la durée résiduelle du bail. De même, les assurances et les banques ne peuvent, en raison du poids de l’immobilier et du portefeuille de valeurs mobilières dans leur bilan, faire l’objet d’une évaluation basée sur les cash-flows actualisés. Le recours à cette méthode risquerait d’entraîner une sous-évaluation des actifs, notamment en négligeant les plus-values latentes, souvent considérables dans lesdites activités.
Il serait à notre avis souhaitable de préciser que d’autres méthodes que celle des cash-flows actualisés peuvent être utilisées si elles s’avèrent p us pertinentes, en raison de la nature de l’activité à laquelle les actifs sont affectés.
2.1.2 Absence de fiscalité sur les flux de trésorerie
Le projet de norme précise que les flux de trésorerie futurs ne doivent tenir compte d’aucune charge fiscale ou produit fiscal. L argument avancé par la norme est de considérer que l’absence de fiscalité est neutralisée au niveau du taux d’actualisation (cf. ci-après en 2.2.2). Cette argumentation nous semble dangereuse pour deux misons ; tout d’abord, il nous semble nécessaire sur le plan méthodologique de déterminer un cash-flow net d’impôt et actualisé en fonction d’un taux tenant compte de la fiscalité.
Cette démarche est plus logique que celle préconisée par le projet E 55 qui, à notre avis, risque d’entraîner une application erronée. En effet, le fait de ne pas tenir compte de l’impôt sur les sociétés sous prétexte que l’on en neutralise l’effet au niveau du taux d’actualisation n’est pas d’une logique rigoureuse sur le plan économique et financier car une charge fiscale est indiscutablement un coût économique. Le projet E 55 ferait mieux de s’inspirer à ce stade de la FAS 121 sur la dépréciation des actifs non rentables, qui retient un cash-flow net d’impôt.
La deuxième raison est une faille dans le raisonnement, comme nous allons le voir ci-après : en effet, il faut se rendre à l’évidence que l’actualisation d’un cash-flow avant impôt au moyen d’un taux d’actualisation non fiscalisé ne donne pas les mêmes résultats que l’actualisation d’un cash-flow net d’impôt au moyen d’un taux d’actualisation net d’impôt. Sur ce dernier point, il convient de préciser que la méthode que nous préconisons est ni plus ni moins celle utilisée lors de l’évaluation d’activités ou d’entreprises.
2.1.3 Prise en compte d’un taux d’actualisation non fiscalisé
Les résultats sont différents entre la méthode proposée par le projet et celle retenue pour l’évaluation d’entreprises ou d’activités car la première postule implicitement que l’entreprise se finance uniquement par dettes financières et jamais par capitaux propres. Situation parfaitement irréaliste sauf à supposer que le coût des capitaux propres est intégralement déductible de l’impôt sur les sociétés.
Concrètement, cela impliquerait la distribution intégrale du résultat assortie de possibilité de déduire ladite distribution des résultats imposables. Situation tout aussi irréaliste.
Pour illustrer nos propos, prenons l’exemple suivant :
Soit une entreprise dont le cash-flow opérationnel (3) avant impôt s’élève à 150.
Le coût des capitaux propres est de 14 96%, celui de la dette de7 %.
Les dettes représentent 36 % des capitaux permanents.
Le taux d’impôt sur les sociétés est de 40 %.
Par mesure de simplification, on supposera qu’il n’y aucune dotation aux amortissements, ni de variation de besoin en fonds de roulement, ni de dépenses ou rentrées en capital.
Calcul du cash-flow selon la méthode préconisée par le projet E 55
Le coût moyen pondéré du capital (CMPC) hors imposition est de
14 % (1* 36%)+ 7 Vo( 36%)= 11,48%
En d’autres termes, le taux d’actualisation est de 11,48 %
Notre cash-flow actualisé (CFA1) s’élève donc à: 150/11,48% = 1306 F
Calcul du cash-flow selon la méthode préconisée pour l’évaluation de l’entrepris c
Calculons tout d’abord notre cash-flow net impôt (CFNI)
Il s’élève à : 150X (1- 40%=) 90
Calculons maintenant le CMPC fiscalité comprise.
Puisque les charges sur emprunts sont déductibles, le coût réel de la dette (CD) c’est-à-dire nette impôts s’élève à :
7 % (1 – 40 %) = 4,20% 7a
Le CMPC, fiscalité comprise, s’élève à
14 % (1 – 36 %) + 4,20% (36 %) = 10,47 ?o
Autrement dit, le taux d’actualisation est de 10.47 %
Notre cash-flow actualisé (CFA2) s’élève donc à : 90/ 10,47% = 859 F
Résumons : dans le premier cas nous trouvons un cash-flow actualisé de 1 306 F, dans l’autre cas un cash-flow actualisé de859 F soit une différence…de 446 F
2.2 Dispositions à assouplir
2.2.1 Estimation des cash-flows à court terme
Bien que les dispositions du projet relatives à l’estimation des cash-flows soient pertinentes, elles peuvent aboutir dans certains cas à une évaluation erronée des flux de trésorerie, par manque de souplesse ou du moins par manque d’explications. La détermination des cash-flows de la période à long terme (ou implicite) à partir de ceux de la période à court terme (ou explicite) correspond à la méthode généralement retenue pour l’estimation d’activités ou d’entreprises. Cependant, les dispositions 23 à 27 du projet E 55 pèchent à deux niveaux : d’une part, elles ne mentionnent pas les conditions qui doivent être remplies pour l’extrapolation des cash-flows sur la période implicite à partir de ceux de la période explicite : d’autre part, elles semblent considérer que la période explicite de 5 ans est une règle à laquelle on ne peut déroger que par exception. Il convient de garder à l’esprit que la valeur terminale, c’est-à-dire la valeur actualisée des cash-flows sur la période implicite, est généralement prépondérante dans le total des cash-flows.
Le projet E 55 omet de préciser que la valeur terminale ne peut être calculée tant que l’on ne s’est pas assuré de la stabilité des cash-flows, sauf à courir le risque d’établir des cash-flows erronés avec toutes les conséquences qui en découlent. C’est d’ailleurs cette position qui est retenue par 3 consultants de Mac Kinsey (4). Selon eux, la période explicite doit être suffisamment longue pour s’assurer que l’activité ail atteint un niveau stable d’opérations à la fin de la période (explicite). Cela s’explique par le fait que l’estimation de la valeur terminale repose sur les hypothèses suivantes :
L’activité enregistre des marges constantes,
Elle connaît un taux de croissance constant et investit chaque année les mêmes proportions de son cash-flow opérationnel.
En pratique, cela signifie que la période explicite est rarement inférieure à 10 ans si l’on veut correctement appréhender in extenso l’économie d’une branche d’activité et du marché sur lequel elle opère. Un simple forecast (5) à trois ou cinq ans élaboré par les services stratégie/contrôle de gestion n’est pas suffisant d’autant plus que ce « forecast » n’a pas pour objectif d’évaluer les actifs.
Certains praticiens rétorqueront que déterminer des cash-flows explicites sur une période de l0 ans est très théorique, en raison de l’instabilité croissante de nombreux marchés consécutive à leur mondialisation. Celle-ci rend complexe le fonctionnement des marchés, notamment l’identification des phénomènes qui agissent non seulement sur le cycle d’activités mais également sur les prix, le volume, etc. Ainsi dans l’acier, les cycles d’activité ont tendance ont se raccourcir tout en étant de plus en plus exacerbés.
En d’autres termes, ces praticiens considèrent que le passé ne constitue pas forcément un bon indicateur des cycles d’activité futurs et qu’établir dans ces conditions un « forecast » , à plus de 2 ans relève de la… voyance ou de la cartomancie. Cetteremarque nous semble tout à fait pertinente mais elle ne doit pas pour autant constituer un prétexte pour ne pas étudier la rentabilité future de telle ou telle activité. Les dispositions du projet E 55 sont claires à ce sujet puisqu’il précise que lors de la formulation des hypothèses d’activités, une entreprise considère celles prévalant au moment de la clôture des comptes. On soulignera par ailleurs que l’entreprise a toujours la possibilité de réviser les projections initiales de cash-flows et d’en tirer les conséquences sur la dépréciation.
En synthèse, l’’estimation des cash-flows est un processus global et cohérent où les paramètres permettant d’estimer les cash-flows pendant la période explicite sont indissociables de ceux qui sont retenus pour évaluer la valeur terminale. Dans une telle analyse, la période implicite n’est pas celle à partir de laquelle l’on ne dispose plus d’aucune visibilité au risque de négliger en particulier tous les aspects cycliques, notamment au niveau du chiffre d’affaires ou des investissements. Bref, un commentaire de ce style dans le projet E 55, sans précisions sur la durée de la période explicite, serait bienvenu.
2.2.2 Répartition de la dépréciation entre les actifs
Le projet définit pour l’allocation de la dépréciation dans les piu’agraphes6 3 à 65 un ordre de priorité qui nous paraît trop rigide au risque de ne pas refléter la réalité économique. Est-il logique de déprécier en priorité les survaleurs, comme l’exigent les textes, alors que la perte de valeur a pour origine la non-exploitation d’un brevet ? De même, la ventilation de la dépréciation au prorata de la valeur résiduelle des actifs autres que les survaleurs, les immobilisations incorporelles et ceux dont le prix de vente est inférieure à la valeur résiduelle ne constitue-t-il pas un non-sens économique dès lors que ce groupe d’actifs comprend un bien (construction, terrain) recélant des plus-values latentes ?
En outre, l’ordre de priorité défini n’est pas sans incidence sur les dotations aux amortissements futurs, en raison du rythme d’amortissement propre à chaque nature d’actifs. Plutôt que d’imposer tel carcan, le projet devrait se concentrer à la fois sur les raisons ou événements qui ont motivé la dépréciation et sur la nature des différents actifs à déprécier. Ainsi, on pourrait en déduire une affectation de la dépréciation qui soit plus en rapport avec la réalité économique.
On ne notera aucun ordre de priorité pour la ventilation de la dépréciation.
Conclusion
Nos suggestions paraissent logiques : d’une part, elles consistent à remplacer le projet E 55, qui vise en l’ait l’évaluation d’activités, laquelle doit. à notre avis, être confiée aux marchés financiers, par une amélioration des dispositions contenues dans le projet E 50 et I’IAS 22 relatives à la dépréciation des actifs incorporels, qui constitue le cœur du problème soulevé par le projet E 5-5 : d’autre part, elles visent, dans le cas où l’évaluation d’actifs serait in fine retenue par I’IASC, à remplacer certaines dispositions, jugées non économiques ou trop systématiques, par des propositions visant à introduire à la fois plus de cohérence économique dans les méthodes sans pour autant rendre leur application systématique. Sur ce dernier point, l’on soulignera que les propositions de I’IASC semblent mettre en doute les capacités des entreprises et surtout des commissaires aux comptes et autres auditeurs à appliquer de façon intelligente le projet E 55. Ce n’est sûrement pas la meilleure méthode pour réglementer l’évaluation d’’actits notamment incorporels.
Mais au-delà du simple débat de points de vue sur le projet E 55, il est troublant de constater qu’il s’inspire sur de nombreux points de la FAS 121 norme américaine similaire, appliquée depuis 3 ans et ce par de nombreux groupes internationaux en général, français en particulier. De nombreux praticiens considèrent qu’à l’instar de la FAS 121, le projet E 55 est animé, malgré ses nombreuses imperfections, par un souci de rigueur, ce qui constitue indiscutablement à leurs yeux une avancée par rapport à la pratique actuelle. Cependant, I’IASC a-t-il vraiment la possibilité de s’écarter notablement de la FAS 121, au risque de voir le projet E 55 rester lettre morte ?
Il convient d’espérer que la collaboration renforcée des différents organismes de normalisation, ainsi que la contribution renforcée des entreprises permettront à l’avenir d’élaborer des normes dans l’intérêt de tous.
{3) Par cash-flow opérationnel, nous entendons les produits et charges résultant des activités courantes.
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